Le cinéma comme la musique – le film comme une musique de chambre: L’Analyse de la première scène de répétition dans “Un Cœur en Hiver”.

(Cinema as Music, film as a chamber music: Analyse of the repetition scene in the “A heart in Winter”.)

von Hakki Kurtulus

Licence Ciné­ma, Uni­ver­si­té Lumiè­re Lyon 2, Lyon — 2002

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Le ciné­ma com­me la musi­que – le film com­me une musi­que de chambre:

L’Analyse de la pre­miè­re scè­ne de répé­ti­ti­on dans Un Cœur en Hiver

 

Hak­kı Kurtuluş

 

Licence Ciné­ma

Uni­ver­si­té Lumiè­re Lyon 2

 

Lyon — 2002

 

Plan :

 

1. La Présentation

2. Le Film

2.1. La fiche technique

2.2. Syn­op­sis

2.3. La pre­miè­re scè­ne de répétition

3. La musi­que de chambre

3.1. La Sonate

3.2. Les instru­ments musi­caux : Vio­lon et violoncelle

3.3. Mau­rice Ravel

3.3.1. Sona­te pour vio­lon et violoncelle

4. Le Résultat

5. La Bibliographie

5.1. La Discographie

6. Anne­xes

6.1. Feuille de ser­vice du mar­di 3 décembre 1991 de « Femme de Cœur et Valet de Pique »

 

 

 

 

 

 

 

« Lors­que Sté­pha­ne vient entendre Camil­le à la répé­ti­ti­on et qu’il la fixe inten­sé­ment pour la désta­bi­li­ser, il y par­vi­ent et en est fier. »

 

« Au début, il y a le duo pour vio­lon et vio­lon­cel­le qui est une piè­ce ing­ra­te, expri­mant son malai­se en face de Stéphane. »

Clau­de Sautet

dans « Con­ver­sa­ti­ons avec Clau­de Sau­tet » de

Michel Bou­jut,

 

Je vous aime : cela ne vous regard pas

Attri­bué à Goethe

 

 

 

 

 

 

Je ne vous aime pas : cela ne vous regard pas

« La Musi­que c’est du rêve. »

Sté­pha­ne dit à Camille

 

1. La Présentation

Ce tra­vail va décor­ti­quer le rôle de la musi­que dans Un cœur en Hiver de Clau­de Sau­tet en par­tant d’une scè­ne clef dans le récit. Dans la démar­che de ce tra­vail d’analyse fil­mi­que, en par­tant des quel­ques ques­ti­ons essen­ti­el­les (« Est-ce que La Sona­te pour vio­lon et vio­lon­cel­le est descrip­tif dans le récit ? » ou « Est-ce que cet­te musi­que de chambre décrit une figu­re, une émo­ti­on ou une incer­ti­tu­de dans l’histoire du film ? ») je vais essay­er de « décr­i­re » le rôle de la musi­que dans Un Cœur en Hiver. J’ai la con­sci­ence que les ques­ti­ons que je pose ici sont les ques­ti­ons exis­ten­ti­el­les de lan­ga­ge ciné­ma­to­gra­phi­que. Le décala­ge de Méliers et Frè­res Lumiè­re, « le réel » et « l’imaginaire » se repose.

Pour moi dans ce film « simp­le », « pro­fon­dé­ment dou­lou­reux », « émou­vant » et « den­se » Sau­tet réus­sit décr­i­re une incer­ti­tu­de émo­ti­on­nel­le par la musi­que. Alors, pour moi, com­me les aut­res piè­ces qu’on entend pen­dant le film, La Sona­te pour vio­lon et vio­lon­cel­le décrit l’incertitude de duo dans le trio.

Géné­ra­le­ment la musi­que est com­me sup­port ou com­me « décor » du film. C’est pour cela que la pro­duc­tion Hol­ly­woo­di­en­ne a une chaî­ne de fabri­ca­ti­on des « sound­tracks », des musi­ques de films. La musi­que com­me décor d’un film, c’est d’abord révé­la­tri­ce.. Dans le(s) histoire(s) certaine(s), la musi­que ne guer­re que la [R/r]évélation. La cer­ti­tu­de a beso­in des prou­ves, des sup­ports, des Révélations.

« J’avais tou­jours évi­té jus­que-là de me ser­vir de la musi­que com­me sup­port ou com­me décor de film. Mais là, ce qui m’intéressait, c’était de mon­trer le tra­vail musi­cal com­me force d’expression. »[1]

Après la nais­sance de la pho­to­gra­phie, la pein­ture est ori­en­tée vers non-figu­ra­ti­ve. D’abord, la net­te­té a dispa­ru : Les impres­si­onnis­tes, les fau­ves ou les cubis­tes étai­ent au mi-che­min vers le flou, vers une image qui n’est plus abso­lue. La « Guer­ni­ca » ou « Les Dames d’Avignon» de Picas­so signi­fi­ai­ent la dis­so­lu­ti­on de la noti­on Révé­la­tri­ce d’une image abso­lue. C’était la même pour la musi­que : Ravel était à mi-che­min vers la dis­so­lu­ti­on, la décon­s­truc­tion de la mélo­die. Dans ce sens, La Sona­te pour vio­lon et vio­lon­cel­le est peu mélo­di­que : Elle a des inspi­ra­ti­ons de jazz.

« Si j’ai choi­si les tri­os et sona­tes de Ravel, c’est par­ce qu’ils ne sont pas très con­nus et assez peu mélo­di­ques. Je vou­lais une musi­que de chambre qui ne soit ni roman­tique, ni contemporaine.»[2]

La musi­que de Ravel est uti­le pour l’histoire. Mais cet­te « uti­li­té » n’a aucun point com­mun avec une uti­li­té de [R/r]évélation : La musi­que de Ravel est descrip­ti­ve dans Un Cœur en Hiver, par­ce que « la musi­que c’est du rêve ». par­ce que Sau­tet est dans l’imaginaire.

«M.B. La musi­que c’est du rêve », fai­tes-vous dire à Sté­pha­ne. C’est vot­re point de vue ?

C.S. C’est ce que je crois ! La musi­que n’est jamais tenue au réa­lis­me. Chacun s’en nour­rit libre­ment. Ravel avait aus­si la méri­te de don­ner la cad­re et le cli­mat du film. Ravel a vécu seul tou­te sa vie, sans qu’on lui con­naisse aucun liai­son, au mil­leu des nombreux auto­ma­tes qu’il ado­rait. J’y voy­a­is une sor­te de rap­port avec le per­son­na­ge de Sté­pha­ne. »[3]

« J.-M.F. Vous fai­tes dire à Sté­pha­ne : « La musi­que, c’est du rêve. » Vous qui com­pa­rez la mise en scè­ne à la com­po­si­ti­on, vous diriez la même cho­se du cinéma ?

C.S. Oui… Sté­pha­ne répond cela pour se pro­té­ger. Moi aus­si. »[4]

Un Cœur en Hiver signi­fie une matu­ri­té dans l’œuvre de maît­re. Suite au tour­nant mar­qué par son film pré­cé­dent Quel­ques jours avec moi (1987) le maît­re s’oriente vers une maî­tres­se abso­lue de l’art fil­mi­que. « …Un Cœur en Hiver est un film mesu­ré, impec­ca­blem­ent décou­pé, aux con­tours nets : rien qui dépas­se. Pas une scè­ne de trop dans cet­te piè­ce maî­tres­se, pas un mot inu­tile non plus. »[5] Ce film est donc com­me une musi­que de chambre.

« Je vou­lais fai­re un film éco­no­me ou tout soit expri­mé de façon mini­ma­le, tant je sais que les dia­lo­gues ne tra­dui­sent qu’une par­tie de la véri­té des êtres. »[6]

Un Cœur en Hiver est d’abord est une œuvre si « res­ser­ré » sur la dif­fi­cul­té d’aimer, sur la dif­fi­cul­té d’exister, sur des per­son­na­ges, sur leur inté­rio­ri­té et sur le prin­ci­pe de l’incertitude de l’amour.[7]

« M.B. C’est peut-être aus­si que vous n’aviez enco­re jamais fait un film aus­si « res­ser­ré » sur des per­son­na­ges, sur leur intériorité…

C.S. Cela vient avec l’âge. C’est ce qu’on pour­rait appe­l­er une musi­que de chambre. »[8]

 

2. Le Film

Lion d’Argent et prix de la cri­tique inter­na­tio­na­le au Fes­ti­val de Veni­se 1992, Grand Prix 92 du Fes­ti­val France-Ciné­ma de Flo­rence, César du meil­leur réa­li­sa­teur et César du meil­leur acteur (André Dus­sol­lier), Grand Prix de l’Académie natio­na­le du ciné­ma, Prix du meil­leur film étran­ger au Lon­don Film Cri­tics Circle

Sor­tie à Paris : 2 sep­tembre 1992 aux Forum Hori­zon, Haute­feuille, UGC Dan­ton, UGC Mont­par­nas­se, Gau­mont Ambassa­de, Saint-Laza­re Pas­quier, UGC Biar­ritz, Fran­çais, Les 14 juil­let Bas­til­le, UGC Lyon-Bas­til­le, Les Nati­on UGC Gobe­lins, Gau­mont Par­nas­se, Mis­tral, 14 juil­let-Beau­gre­nel­le, UGC Mail­lot, Pathé Wepler

Fré­quen­ta­ti­on : 437 731 entrées (Paris), 1 382 426 entrées (France).

Dif­fu­si­on télé­vi­si­on : 25/3/94 (Canal +), 30/11/95 (France 3), 21/5/98 (France 3), 25/7/2000 (France 2), 5/5/2001 (Canal +, pre­miè­re diffusion)[9]

 

2.1. La fiche technique

Un Cœur en Hiver
1992. Cou­leur. 105 minutes

Durée TV : 100 minutes

 

Sté­pha­ne : Dani­el Auteuil
Camil­le : Emma­nu­el­le Béart

Maxi­me : André Dussolier

Hélè­ne : Eli­sa­beth Bourgine

Régine : Bri­git­te Catillon

Lach­au­me : Mau­rice Garrel

Madame Amet : Myri­am Boyer

Bri­ce : Sta­nis­las Car­re de Malberg

Mme Ost­ende : Jean-Luc Bideau

Patron de Bras­se­rie : Jean-Clau­de Bouillaud

Cli­ent, ven­deur du vio­lon : Van Doude

Hom­me, dis­pu­te : Fran­çois Domange

Femme, dis­pu­te : Nanou Garcia

Le Vio­lon­cel­lis­te : Jac­ques Villa

Cli­ent, librai­rie : Jac­ques Fieschi

Vin­cent : Xavier Roth­mann ou Bil­ly-Ron Hadley

La peti­te fil­le de Lach­au­me : Gala­xie Bar­bouth ou Auré­lie Rothmann

Le petit gar­çon : Vic­tor-Josua Sonier

La peti­te fil­le au vio­lon : Jus­ti­ne Bosco

 

Réa­li­sa­teur : Clau­de Saute

Scé­na­rio et dia­lo­gue : Clau­de Sau­tet et jac­ques Fieschi

Pro­duc­tion : Film par film, Cinéa, Orly film, Sedif, D.A. Films, FR Films Productions

Direc­teur de pro­duc­tion : Gérard Gauthier

Pro­duc­teurs délé­gués : Jean-Lou­is Livi et Phil­ip­pe Carcassonne

1er assistant réa­li­sa­teur : Yvon Trouve

Assistants réa­li­sa­teurs : Fré­dé­ric Jar­din, Nata­lie Engelstein et Nils Hoffet

Scrip­te : Gene­viè­ve Cortier

Cas­ting : Lis­sa Pil­lu, Chris­tia­ne Lebri­ma et Pas­ca­le Beraud

Direc­teur de pro­duc­tion : Gérand Gauthier

Régie : Marc Vade, Fran­cis Bar­rois, Marc Rove­re et oli­vi­er Guespin

Admi­nis­tra­teur : Jean Brun

Secré­tai­re de pro­duc­tion : Béa­tri­ce Chauvin

Assistants opé­ra­teurs : Lau­rent Fleu­tot, Paco et Alain Bolle

Image : Yves Angelo

Pho­to­gra­phie de pla­teau : Benoït Barbier

Son : Pierre Lenoir

Assistant son : Denis Carquin

Mon­ta­ge son : Marie-Thé­rè­se Boiche

Mon­ta­ge : Jac­que­line Thiedot

Assistants mon­ta­ge : Chris­ti­ne Gre­net, Anne-Marie Har­douain et Dori­an Rigal-Ansous

Brui­teur : Jéro­me Levy

Mixa­ge : Jean-Paul Loublier

Cos­tu­mes : Corin­ne Jory

Assistants cos­tu­mes : Mai­re-Clau­de Bru­net, Tess

Maquil­la­ge : Thi-Loan Nguyen

Coif­fure Dani­el Mourgues

Décors : Chris­ti­an Marti

Equi­pe déco­ra­ti­on : Fré­dé­ri­que Bel­veaux, Tho­mas Che­va­lier, Alain Gos­se et Oli­vi­er Cou­ta­gne, Thier­ry Goli­tin, Bert­rand Fremaux, Phil­ip­pe Sil­vain, Yvon Moreno, Clau­de Vin­cent Robin­son, Sophie Pons et Ray­mond Moreddu

Elec­tri­ci­ens : Michel Lefran­çois, Denis Mon­cel, Marc Mon­cel, Richard Vidal et Jean-Jac­ques Gageat

Machi­nis­tes : Char­lie Freess, Jean-Yves Freess et Jac­ques Gageat

Col­la­bo­ra­ti­on à l’écriture : Yves Ull­mann et Jéro­me Tonnere

Con­seil­lers musi­caux : Chris­to­phe Poi­get et Caro­le Saint-Michel

Con­seil­lers luthe­rie : Eti­en­ne Vate­lot et Phil­ip­pe Mahu

Direc­tion musi­cale : Phil­ip­pe Sarde[10]

Tour­na­ge : 21 octobre 1991- 28 jan­vier 1992.

Stu­dio : Epinay

Exté­ri­eurs : Asniè­res-sur-Oise, Saint-Cloud, Orly et Paris

 

Musi­que extrai­te des Sona­tes et Trio de Mau­rice Ravel

CD du film pro­duit par : Jean-Lou­is Livi et Phil­ip­pe Carcassonne

Vio­lon : Jean-Jac­ques Kantorow

Vio­lon­cel­le : Phil­ip­pe Müller

Piano/Klavier Stein­way : Jac­ques Rouvier

Edi­ti­ons Durand, Paris

Direc­tion artis­tique de l’enregistrement : Michel Garcin

Inté­ri­eur du son : Pierre Lavoix

Mon­ta­ge Musi­cal :Fran­çoi­se Gar­cin et Pierre Lavoix

Enre­gis­tre­ments réa­li­sés en 01/1973 & 12/1973 à Egli­se Not­re-Dame du Liban, Paris ã Era­to Dis­ques S.A. 1973, 1974[11]

 

2.2. Syn­op­sis

Sté­pha­ne et Maxi­me sont amis depuis si long­temps… depuis ces jours de leur jeu­nesse ou ils pré­pa­rai­ent ensem­ble le con­ser­va­toire de la musique.

Mais peut-être que le métier qu’ils par­t­agent – la luthe­rie – et l’habitude des jours les a sépa­rés sans qu’ils le sachent, com­me s’ils n’attendaient plus rien l’un de l’autre, aucu­ne sur­pri­se, aucu­ne douleur.

Camil­le Kess­ler, la jeu­ne vio­lo­nis­te douée et puri­taine, va ent­rer dans leur vie pour en bou­le­ver­ser la rou­ti­ne. Maxi­me et Camil­le s’aiment. Mais Sté­pha­ne n’y croit pas. En quoi croit-il enco­re, dans la vie fer­mée sur elle-même qu’il s’est patiem­ment con­struite ? A la musi­que, oui, « par­ce que c’est du rêve ». Mais pas aux sen­ti­ments amou­reux, cet état qui le dépay­se : Sans que même il l’ait con­cer­té, com­me mal­gré lui, cont­re Maxi­me, il va se liv­rer à un jeu qui cap­te peu à peu l’attention de la jeu­ne fil­le. Dès lors, c’est Sté­pha­ne lui-même qui est en dan­ger… Et l’aventure va jeter sur ce cœur en hiver une lumiè­re vio­len­te et nouvelle …

Pour­ra-t-il tou­jours dire alors : « Je ne vous aime pas » ?[12]

Ce syn­op­sis « offi­ci­el » répè­te l’opinion géné­ra­le sur l’histoire incer­taine du film. En fait –heu­reu­se­ment- l’incertitude du récit nous don­ne la chan­ce de réré­su­mer l’histoire :

« Ton­nere ( Col­la­bo­ra­teur au scé­na­rio. HK ) nous dis­ait :‘ Je ne vois pas en quoi Sté­pha­ne peut plai­re à Camil­le. » [13] J’accepte l’opinion de Dani­el Ton­nere et Alain Cava­lier qui dis­ait que Sté­pha­ne est com­me un « cas­seur d’amour ». Voi­ci le syn­op­sis réécrit :

L’argument d’Un cœur en hiver, mer­veil­le d’émotion et de pré­cis­i­on, est simp­le, peut même sem­bler min­ce. Sté­pha­ne est luthi­er. C’est dire qu’il con­naît la musi­que. Il tra­vail­le pai­si­blem­ent avec Maxi­me, un ami de tou­jours. Et puis, pas­se une très jolie vio­lo­nis­te dont il tom­be amou­reux. Ce qui ne trou­ble pas Sté­pha­ne, plus obser­va­teur qu’acteur. Mais Camil­le est impres­si­onnée par les silen­ces énig­ma­ti­ques de Sté­pha­ne. Au point de se prend­re à son jeu, de se perd­re dans son regard impla­ca­ble. Au point de lui avouer la pas­si­on irré­sis­ti­ble qui l’emporte vers lui. Et lui, Sté­pha­ne, avec une pla­ci­di­té de glace, de lui répond­re : « Je ne vous aime pas ! » Cet­te cru­au­té, gra­tuite ou pas, va tra­ver­ser tou­te l’histoire du trio, com­me un mot de trop peut tra­ver­ser tou­te une vie. [14]

 

2.3. La pre­miè­re scè­ne de répétition

Cet­te scè­ne est trop dif­fi­ci­le à réus­sir, par­ce qu’on voit une nais­sance d’un res­sen­ti­ment d’une femme. (L’amour ? On ne sait pas enco­re) Mer­veil­leu­se­ment décou­pé, poé­ti­quement écrit, dans cet­te scè­ne éxtrem­ment rare, Sau­tet peut réus­sir mon­trer un res­sen­ti­ment d’une femme vers un hom­me sans fai­re des cli­chés des scè­nes de ren­con­tres des films d’amour.

Je reprends les paro­les de Sautet :

« Je vou­lais fai­re un film éco­no­me ou tout soit expri­mé de façon mini­ma­le, tant je sais que les dia­lo­gues ne tra­dui­sent qu’une par­tie de la véri­té des êtres. »

Cet­te scè­ne est du pur ciné­ma, pure d’amour : Ici, ce sont les yeux croi­sés qui s’expriment.

 

Appar­te­ment de Régine – inté­ri­eur jour

127. Tra­vel­ling laté­ral sur les per­son­nes qui assis­tent à la répé­ti­ti­on de Camil­le : trois mes­sieurs, puis Sté­pha­ne et Maxi­me, une dame âgée et Régine. Sur le tra­vel­ling, on entend off le début du pre­mier mou­ve­ment de la sona­te pour vio­lon et vio­lon­cel­le : La camé­ra s’arrête sur Camil­le et Chris­to­phe, le vio­lon­cel­lis­te, en train de jouer en plan rappro­ché taille.

128. Plan amé­ri­cain de Sté­pha­ne et Maxi­me assis de face, écou­tant attentivement.

129. Plan rappro­ché poi­tri­ne de Camil­le jouant.

130.Plan rappro­ché de Camil­le et Chris­to­phe jouant. Camil­le s’interrompt.

Camil­le. Non… Excu­se-moi, Chris­to­phe. On reprend. (132. Repri­se du plan rappro­ché poi­tri­ne 129. Camil­le s’interrompe à nou­veau. Sans lever la tête. Par­don. (Inspi­rant pro­fon­dé­ment, elle reprend. Elle lan­ce un bref regard vers ses audi­teurs. 133. Cont­rechamp : repri­se du plan rappro­ché poi­tri­ne. 130. sur Sté­pha­ne. 134. champs : repri­se du plan poi­tri­ne 129 sur Camil­le. Son regard s’échappe à nou­veau vers Sté­pha­ne. 135. Cont­rechamp : repri­se du plan poi­tri­ne 130 sur Sté­pha­ne qui la fixe impassible.136.Plan rappro­ché poi­tri­ne sur Camil­le, légè­re­ment plus ser­ré que plan 129. Son regard s’échappe enco­re vers Sté­pha­ne. Elle s’interrompe à nou­veau. Ener­vée) Non, j’y suis pas, j’y suis pas du tout

[15]

137.Reprise du plan amé­ri­cain 131 sur Camil­le et Christophe.

Chris­to­phe (cal­me). Moi je trouve que ça va…Enchaînons.

Camil­le (éner­vée). Mais non, ça ne va pas. Ça n’a rien a voir avec toi, c’est moi… (138. Plan amé­ri­cain sur Régine assise qui tourne la tête, impa­ti­ent. Camil­le, off)… je suis tout le temps en retard.

Régine. Mais non, écou­te, je ne trouve pas.

139. Repri­se du plan rappro­ché poi­tri­ne 136 sur Camil­le, désolée.

Camil­le. Mais si ! Je n’y arri­ver­ai pas, aujourd’hui.

140. Plan amé­ri­cain de Maxi­me et Sté­pha­ne embras­sées. Sté­pha­ne fixe ses mains, gêné.

Maxi­me. C’est le vio­lon qui ?…

141. Cont­rechamp : repri­se du plan rappro­ché poi­tri­ne 136 sur Camille.

Camil­le (sou­ri­ant tendre­ment) : Non, non. (A Régine) Régine, je peux avoir un ver­re d’eau ? (142 . Repri­se du plan amé­ri­cain 138 sur Régine qui prend un ver­re d’eau sur la table à coté d’elle. 143. Chris­to­phe en plan rappro­ché poi­tir­ne attra­pe le ver­re et le fait pas­ser à gau­che à Camil­le, sui­vi en pan­o­r­ami­que droit/gauche. On décou­vre Camil­le en plan rappro­ché poi­tri­ne, pren­ant le ver­re et buvant) Merci.

144. Repri­se du plan amé­ri­cain 140 sur Maxi­me et Stéphane.

Maxi­me. (se pen­chant vers Sté­pha­ne). On peut peut-être le tra­vail­ler davantage ?

Sté­pha­ne. Non…

Camil­le (off). Non, c’est exac­te­ment le rég­la­ge… (145. Repri­se du plan rappro­ché poi­tri­ne 136 sur Camil­le) que je vou­lais. Non, c’est moi.

146. Plan rappro­ché tail­le de Sté­pha­ne et Maxime.

Sté­pha­ne (se pen­chant vers Maxi­me) Il faut que je parte.

Il se lève, sous le regard sur­pris de Maxi­me, con­tourne son siè­ge et pas­se der­riè­re les trois mes­sieurs, sui­vi par leurs regards. On iden­ti­fie par­mi eux le pia­nis­te. Pan­o­r­ami­que d’accompagnement gauche/droit sur lui.

147 . Repri­se du plan amé­ri­cain 138 sur Régine qui suit Sté­pha­ne du regard puis lan­ce un regard éton­né à Maxime.

148. Repri­se du plan rappro­ché poi­tri­ne 136 sur Camil­le qui boit une nou­vel­le gor­gée, pose le ver­re à coté d’elle et se prépa­re à jouer.

Camil­le (sou­ri­ant). Bon. Allons‑y.

149.Plan rappro­ché tail­le de Maxi­me qui se tourne vers Camil­le, dis­po­sé à écouter.

150. Repri­se du plan amé­ri­cain 131 sur Chris­to­phe et Camil­le qui se remet­tent à jouer.

151. Tra­vel­ling arriè­re sur Sté­pha­ne qui avan­ce dans le cou­loir blanc de l’appartement de Régine, alors que l’on entend off la suite de la sona­te. Il se diri­ge vers la sor­tie, en plan rappro­ché tail­le. Il sou­rit. Il lan­ce un regard vers la gau­che avant de tour­ner à droi­te. Sui­vi en pan­o­r­ami­que gauche/droite, il arri­ve à la por­te d’entrée. Il hési­te avant de l’ouvrir, écou­tant la sona­te, puis sort en fer­me la por­te der­riè­re lui, sou­ri­ant tou­jours. La camé­ra s’attarde sur la por­te blan­che fer­mée alors que la sona­te se pour­suite off.

 

 

3. La musi­que de chambre

À l’o­ri­gi­ne, la musi­que de chambre s’op­po­se à la musi­que reli­gieu­se et à la musi­que de scè­ne. C’est une musi­que com­po­sée et inter­pré­tée pour et, sou­vent, par des par­ti­cu­liers, prin­ces ou riches ama­teurs. L’e­space réduit où elle se trouve géné­ra­le­ment exé­cu­tée ain­si que la sim­pli­ci­té qui carac­té­ri­se, la plu­part du temps, ses com­po­si­ti­ons expli­quent le nombre limi­té de musi­ci­ens, cinq ou six tout au plus. À l’é­po­que clas­si­que, la musi­que de chambre est autant con­çue pour le plai­sir de l’exé­cu­tant que pour l’a­g­ré­ment de l’au­di­toire, qui est par­fois peu nombreux.

À par­tir de la secon­de moi­tié du XVII­Ie siè­cle, la distinc­tion s’é­ta­blit ent­re musi­que d’or­chest­re et musi­que de chambre, en fon­c­tion seu­le­ment de la tail­le de la for­ma­ti­on requi­se. En musi­que de chambre, on ren­cont­re essen­ti­el­le­ment le trio, le qua­tu­or, le quin­tet­te et le sex­tu­or. Le qua­tu­or à cor­des, for­ma­ti­on de musi­que de chambre la plus fré­quen­te, est com­po­sé de deux vio­lons, d’un alto et d’un vio­lon­cel­le. L’en­sem­ble de chambre est un orchest­re en réduc­tion, dont chaque par­tie est con­fiée à un solis­te plu­tôt qu’à un grou­pe d’in­stru­men­tis­tes. La recher­che instru­men­ta­le et for­mel­le n’est pas moins importan­te dans la musi­que de chambre que dans la musi­que orches­tra­le, bien au con­trai­re. En témoig­n­ent les nombreux qua­tu­ors de Haydn, Mozart, Beet­ho­ven, Schu­bert, Brahms, Dvo­rak, Bar­tók ou Schönberg.[16]

 

3.1. La Sonate

La sona­te a une dou­ble signification :

1. Un gen­re de com­po­si­ti­on instru­men­ta­le en plu­s­ieurs « mouvements ».

2. Une for­me clas­si­que, régis­sant la struc­tu­re inter­ne d’une piè­ce : cet­te « for­me-sona­te » peut être obser­vée dans un ou plu­s­ieurs mou­ve­ments de la sona­te, de la sym­pho­nie, du con­cer­to, des œuvres de musi­que de chambre, de l’ouverture, et inver­se­ment, il exis­te des sona­tes dont aucun mou­ve­ment n’est pré­cis­é­ment en for­me-sona­te (Beet­ho­ven : op. 26)

(…) Le plan de la sona­te clas­si­que admis (sinon sui­vi) jusqu’à nos jours, est alors le suivant

1er mou­ve­ment.: Rapi­de ou modé­ré, géné­ra­le­ment en for­me-sona­te très déve­lo­p­pée. C’est sou­vent la piè­ce ma8tresse de l’œuvre ; elle est par­fois pré­cé­dée d’une intro­duc­tion lente.

2e mou­ve­ment.: Lent et expres­sif, en for­me tern­aire à un thè­me (for­me-lied) ou en for­me-sona­te en for­me de thème-et-variations.

3e mou­ve­ment. Men­uer ou scher­zo, avec trio et repri­se du com­mence­ment. Assez court et plu­tôt gai (excep­ti­on chez Beet­ho­ven), il est facul­ta­tif com­me les « inter­mez­zo » de la suite.

4e mou­ve­ment. Fina­le bril­lant de mou­ve­ment vif, en for­me de ron­deau ou de sona­te, ou en com­bi­nai­son des deux.

Les mou­ve­ments 1,3,4, sont géné­ra­le­ment dans la même tona­li­té, le mou­ve­ment lent étant dans une tona­li­té voi­si­ne. [17]

La for­me sona­te est aus­si uti­li­se par la lit­té­ra­tu­re (Shake­speare notam­ment) et par le ciné­ma. (Sona­te d’automne d’Ingmar Bergman)

 

3.2. Les instru­ments musi­caux : Vio­lon et violoncelle

Vio­lon est né au début du XVIè­me siè­cle sous la déno­mi­na­ti­on de la « lira da brac­cio, pré­sen­tent qui distin­guent les vio­lons des « vio­le da gamba »

- quat­re cor­des accor­dées par quintes

- che­va­let plus haut et plus sup­port­ant une plus for­te ten­si­on des cordes

- tou­che uni­for­me (sans cases) ; du fait de la hauteur du che­va­let, le man­che (ter­mi­ne par une volu­te) est légè­re­ment incli­né en arriè­re, de sor­te que l’extrémité de la tou­che soit sou­le­vée au-des­sus de la table.

- ouï­es en for­me ff.

- cases très échan­crée sur les cotés, en for­me de C, avec des angles accentués.

Cet­te for­me, tel­le que nous con­nais­sons, fut éta­b­lie défi­ni­ti­ve­ment, après de nombreux tâton­nements par les grands luthiers de Crémone.

Le vio­lon a une extra­or­di­naire com­ple­xi­té ou l’on peut dénom­brer jusqu’à 70 piè­ces séparées.[18]

Géné­ra­le­ment, grâce à sa voix et sa tail­le peti­te et les ouï­es en for­me ff le vio­lon est con­sidé­ré com­me un instru­ment féminin.

 

Vio­lon­cel­le (petit Vio­lo­ne ; contre­bas­se) est née dans la deu­xiè­me moi­tie de XVIIè­me siè­cle. C’est Anto­nio Stra­di­va­ri­us qui a fixé la der­niè­re forme.

Le vio­lon­cel­le s’accorde à l’octave gra­ve de l’alto (do sol ré la).

Le vio­lon­cel­le a des fon­c­tion­nes har­mo­ni­ques et ryth­mi­ques et non mélo­di­ques. Sur vio­lon­cel­le les son­nes har­mo­ni­ques sont meil­leurs que sur le vio­lon, les cor­des étant plus gros­ses : ils per­met­tent de por­ter l’étendue de l’instrument à plus de 5 octa­ves. (Jusqu’au fa, c’est-à-dire l’extrême aigu du vio­lon en sons naturels.)[19]

 

3.3. Mau­rice Ravel

(Cibou­re, Pyré­nées-Atlan­ti­ques, 1875 — Paris, 1937 )

Mau­rice Ravel est l’un des com­po­si­teurs le plus “fran­çais” jus­qu’au­jour­d’hui. Sa vie si dépour­vue d’é­clats et d’a­ven­tures qu’el­le en devi­ent mys­té­rieu­se ; une per­son­na­li­té dis­crè­te, qui éch­ap­pe aux plus fami­liers ; une œuvre rare, dont la vir­tuo­si­té est mise au ser­vice de recher­ches et d’au­daces qui révo­lu­ti­on­nent les tech­ni­ques pia­nis­tique et orches­tra­le : tel est Mau­rice Ravel, dont le Bolé­ro res­te le morceau de musi­que fran­çais le plus joué dans le monde.

Ravel écrit len­te­ment : il ne lais­se­ra qu’u­ne soix­an­taine d’œu­vres, ce qui est peu, com­pa­ré au cata­lo­gue de Mil­haud ou de Vil­la-Lobos. Il rema­nie sans ces­se, cher­che même la dif­fi­cul­té (Trois Poè­mes de Sté­pha­ne Mall­ar­mé, Con­cer­to pour la main gau­che ). Dans beau­coup de ses oeu­vres, il a cher­ché une gran­de com­ple­xi­té technique.

Mais cet­te recher­che ne con­cer­ne pas seu­le­ment les modes de jeu instru­men­taux. Elle s’opè­re éga­le­ment à tra­vers le moder­nis­me des son­o­ri­tés, sou­vent dû à l’uti­li­sa­ti­on d’in­stru­ments inha­bi­tuels — éoli­pho­ne (machi­ne à vent ) dans Daph­nis et Chloé, râpe à fromage frap­pée par une baguette métal­li­que et flû­te à coulis­se dans l’En­fant et les Sor­tilè­ges — et à un dosa­ge orches­tral très pré­cis. En effet, Ravel est indis­cu­ta­blem­ent un des plus grands orchestra­teurs de tous les temps, com­me le prouve, ent­re aut­res, son orchestra­ti­on (1922) des Tableaux d’u­ne expo­si­ti­on du com­po­si­teur rus­se Moussorgski.

Son goût pour la cou­leur con­duit ce Bas­que à de fré­quen­tes évo­ca­ti­ons de l’E­s­pa­gne, par­ti­cu­liè­re­ment dans Alb­ora­da del Gra­cio­so et la Rhap­so­die espa­gno­le. Plus tard, il s’in­spi­re même du jazz dans le fox-trot de l’En­fant et les Sor­tilè­ges, com­me dans le blues de sa deu­xiè­me Sona­te pour vio­lon et pia­no (1923 ‑1927 ) ou à tra­vers cer­ta­ins pas­sa­ges du Con­cer­to en “sol “.

Ces emprunts à la musi­que espa­gno­le et au jazz par­ti­ci­pent à cet élan ryth­mi­que que Ravel se plaît à fai­re viv­re à tra­vers les nombreu­ses dan­ses qui l’in­spi­rent (Val­ses nobles et sen­ti­men­ta­les, Haba­ne­ra ). Cer­ta­ins de ses ryth­mes pro­vi­en­nent du res­te de for­mes et de gen­res anci­ens (Pava­ne pour une infan­te déf­un­te, 1899 ).

Cet aspect néo­clas­si­que de son style lui per­met d’é­vi­ter tou­te for­me de lyris­me exa­cer­bé. Bien plus que les tourm­ents de l’â­me, Ravel s’at­ta­che en effet à décr­i­re de beaux tableaux de natu­re : la mer dans Une bar­que sur l’o­cé­an, le vol d’im­per­cep­ti­bles papil­lons de nuit dans les Noc­tu­el­les, un chant noté sur le vif lors de l’u­ne de ses pro­me­na­des en forêt dans les Oise­aux tris­tes, le lever du jour dans Daph­nis et Chloé, le ros­si­gnol, les libel­lu­les et les rai­net­tes dans la scè­ne du jar­din de l’En­fant et les Sortilèges.

La musi­que de Ravel peut donc être lim­pi­de com­me l’eau, ain­si qu’en témoig­n­ent les son­o­ri­tés con­fiées aux aigus cris­tal­lins du pia­no dans les Jeux d’eau, qui annon­cent du res­te les Jard­ins sous la plu­ie (1904 ) de Debussy.

Mais son style se nour­rit éga­le­ment d’u­ne har­mo­nie com­ple­xe où les accords sont enchaî­nés d’u­ne maniè­re inha­bi­tu­el­le pour l’é­po­que. De nombreux emprunts aux modes médiévaux et aux échel­les exo­ti­ques (pen­ta­to­nis­me ) vien­nent colo­rer son œuvre, sans pro­vo­quer de véri­ta­bles rup­tures avec le sys­tème tonal. De ce point de vue, Ravel est beau­coup plus pro­che de Fau­ré, son pro­fes­seur, que de Clau­de Debus­sy, moins fidè­le quant à lui aux prin­cipes tonals classiques.

C’est cepen­dant à ce der­nier, auquel le lie­ra tou­jours une soli­de admi­ra­ti­on, qu’il emprun­te les tons impres­si­onnis­tes de Sché­hé­ra­za­de. Quant à la ligne mélo­di­que des His­toires natu­rel­les, si pro­che de la phra­se fran­çai­se, elle est très évi­dem­ment influen­cée par le mode de décla­ma­ti­on uti­li­sé par ce même com­po­si­teur dans Pel­lé­as et Méli­san­de, pro­cé­dé que Ravel con­dui­ra à une véri­ta­ble “con­ver­sa­ti­on en musi­que ” dans l’Heu­re espagnole.[20]

 

3.3.1. Sona­te pour vio­lon et violoncelle

Avec intro­duc­tion et alle­gro, com­men­cent une longue et pré­cise expo­si­ti­on des pos­si­bi­li­tés tech­ni­ques de chaque instru­ment. Emil­le Vuil­ler­noz racon­te avoir vu sou­vent le musi­ci­en assail­lir lit­té­ra­le­ment des vir­tuo­ses pour obte­nir d’eux tel ou tel secret d’exécution et leur offrir en retour « des inver­si­ons har­dies zones peu fré­quen­tées de leurs instruments.

C’est ce qui le con­dui­sit la com­po­si­ti­on de sa sona­te pour vio­lon et vio­lon­cel­le qui repré­sen­te dans son œuvre une gran­de vic­toire tech­ni­que. La Sona­te en la mineur est une mer­veil­le artis­a­na­le du mot, un poè­me rigou­reux, ici aci­de et là profond.[21]

« Le film com­me une musi­que de chambre » : Pour re/voir l’harmonie de la musi­que et du film on peut écou­ter la voix de Gérard Langlois :

Une cor­de ten­due à l’extrême, soli­de com­me de l’acier, mais en même temps si fra­gi­le qu’elle peut romp­re à tout moment, dans un faux pas, com­me cel­le d’un vio­lon, et sur laquel­le l’archet Sau­tet va tirer les plus infi­mes vibra­ti­ons, les plus sub­ti­les pal­pi­ta­ti­ons, les plus élo­quents dans ce qui est peut-être son film le plus pro­fon­dé­ment dou­lou­reux. Une con­fes­si­on à pei­ne voilée ou chaque élé­ment du trio dés­ac­cor­dé repré­sen­te une part de lui-même. L’un qui paraît et ten­te d’unir les con­trai­res, l’autre qui se tient à l’écart mais fait preuve d’une pati­ence d’ange pour fabri­quer la piè­ce rare, le troi­siè­me qu’on admi­re mais qui n’est jamais satis­fait de lui-même. Avec en leur chœur, com­me en leur cœur, la musi­que, cet­te part de rêve.[22]

C’est en quel­que sor­te la der­niè­re incur­si­on de Ravel dans le domaine d’un ascé­tis­me rigou­reux. Si les œuvres ulté­ri­eurs com­portent des moments de dépouil­le­ment, ce ne sera qu’en pas­sant, sans que ces instants vien­nent tuer le lyris­me géné­ral de l’ouvrage. Et, d’ailleurs, ce dépouil­le­ment sera tou­jours un hom­mage ren­du à la force de la mélo­die, qui sor­ti­ra vic­to­rieu­se de ces épreu­ves. Dans cet­te sona­te, qui est la der­niè­re œuvre « ten­due » de Ravel, cer­ta­ins moments sem­blent dénoter quel­que amer­tu­me chez not­re com­po­si­teur. Est-ce l’exemple déjà étu­dié de Schön­berg ? Est-ce vis-à-vis des jeu­nes qui repous­sent tout lyris­me, un accès de pudeur exa­gé­rée ? Tou­jours est-il que cet­te sona­te n’est point une œuvre plaisan­te, à part un andan­te ser­ein et émouvant.[23]

Cet­te œuvre émou­vant est com­po­sée jus­te après le décou­vert de la musi­que de jazz de Ravel com­me beau­coup des musi­ci­ens de temps. Pour cet­te épo­que, Ravel avait des rela­ti­ons for­tes avec la musi­que de Mus­sorgs­ky et Schön­berg. C’est pour ces rai­sons que la douceur de « Swing » est sen­si­ble dans cet­te sonate.

A pro­pos de cet­te œuvre dans ses esquis­ses auto­bio­gra­phi­ques Ravel note celui-ci : La sona­te pour vio­lon et vio­lon­cel­le date de 1920, épo­que à laquel­le je m’installai à Montfort‑l’Amaury. Je crois que cet­te Sona­te mar­que un tour­nant dans l’évolution de ma car­ri­è­re. Le dépouil­le­ment y est pous­sé ère. Le dépouil­le­ment y est pous­sé à l’extrême. Renon­ce­ment au charme har­mo­ni­que ; réac­tion de plus mar­quée dans le sens de la mélo­die. [24]

 

4. Le Résultat

« L’alternance des ryth­mes est l’une des carac­té­ris­ti­ques de Sau­tet. Dans ses films ou, com­me en musi­que, peu­vent se suc­cé­der l’allegro viva­ce, l’adagio, le ron­do, il trans­for­me la vie quo­ti­di­en­ne à la maniè­re d’Opéra. »[25]

La musi­que n’est pas ici qu’un élé­ment pit­to­res­que. C’est à tra­vers elle, par un sub­til jeu de cor­re­spond­an­ces que Clau­de Sau­tet nous fait sai­sir l’insaisissable. C’est au cours des répé­ti­ti­ons d’un enre­gis­tre­ment de deux sona­tes et d’un trio de Ravel que les rap­ports ambi­gus de l’outre trio Maxi­me, Camil­le, Sté­pha­ne se dévoi­lent. Et la pas­si­on de Sté­pha­ne pour les auto­ma­tes musi­ci­ens du XVIIIè­me siè­cle. Son habi­li­té pour les répa­rer nous en disent beau­coup sur lui. Ne res­sem­ble-t-il pas à cas mer­veil­leux méca­ni­ques à qui ne man­que que le rire ? [26]

D’après les fiches de tour­na­ge, la pre­miè­re scè­ne de répé­ti­ti­on est la 13ème séquence de ce film. Dans cet­te scè­ne com­me la séquence de dîner à la mai­son de Lach­au­me à la cam­pa­gne, excep­ti­on­nel­le­ment nous voy­ons plu­s­ieurs comé­di­ens : Il y a 9 comédien(ne)s listé(e)s dans la fiche de tour­na­ge. (Mais il y en a jus­te huit, nous ne voy­ons pas le pia­nis­te Jef­frey Gri­ce.) Avec les plans rappro­chés et dans la con­ti­nui­té de la nar­ra­ti­on, nous regar­dons par­ti­cu­liè­re­ment quat­re carac­tères : Sté­pha­ne, Camil­le, Maxi­me et Régine. Et dans ces quat­re carac­tères, les regards croi­sés de Camil­le et de Sté­pha­ne est l’essentiel de cet­te scè­ne dans le récit. Alors, avec cet­te scè­ne Sau­tet éli­mi­ne les détails douce­ment et vient à l’essentiel de l’histoire : L’amour pla­to­ni­que de Camil­le. Nous enten­dons la Sona­te pour duo. En fait, ce que nous enten­dons cor­re­spon­de avec « le duo dans le trio. » Mais qui sont les mem­bres de ce duo : Sté­pha­ne-Camil­le, Maxi­me-Camil­le ou Maxi­me-Sté­pha­ne ? Il n’y a pas une répon­se exac­te à cet­te ques­ti­on. D’ailleurs, Un Cœur en Hiver ne cher­che pas les répon­ses exac­tes. Il n’y a pas une cathar­sis expli­quant pour les spec­ta­teurs, tout est incer­tain, par­ce que le film par­le d’une insai­sissa­ble, d’amour.

C’est pour­quoi, le rôle de la musi­que dans le film est descrip­tif plu­tôt révé­la­tri­ce et émo­ti­on­nel: Sau­tet con­nais­sait déjà qu’on ne peut pas révé­ler ou iden­ti­fier l’amour.[27] En fait, le film est sur les « in-… », c’est-à-dire, les néga­tifs : L’inabordable, l’inaccessible, l’inaperçu, l’incapacité, l’insaisissable, l’incertitude, l’imperceptible, l’insensibilité… Tous ces « néga­tifs » ne peut être que décr­i­re. Le « néant » ne peut être capturé.

Je reprends les paro­les de Sau­tet qui a été cri­tique musi­cal à Com­bat, est un mélo­ma­ne aver­ti, grand ama­teur de musi­que clas­si­que et de jazz pour reve­nir à la musi­que dans le film :

« Lyon-Libé­ra­ti­on : pour un film sur le mon­de de la musi­que, les pla­ges musi­cal­es sont rares.

C.S. : Il y a en tout et pour tout 8 minu­tes et 30 secon­des de musi­que sur un total de 105 minu­tes. J’ai beau être réa­li­sa­teur et pas­si­onné­ment mélo­ma­ne, je me méfie de l’utilisation de la musi­que au ciné­ma. J’ai tou­jours peur d’enrober inu­tile­ment l’image, de fai­re de la musi­que un décor de film. Peut-être par­ce que le ciné­ma pos­sè­de sa pro­pre struc­tu­re musi­cale, de par le jeu sur la durée des plans ou la con­no­ta­ti­on dra­ma­tique. »[28]

«(…) J’aime beau­coup ces morceaux de Ravel, et com­me ils sont rela­ti­ve­ment peu joués, j’étais heu­reux de pou­voir les fai­re con­naît­re. Il est appa­ru que cer­ta­ins pas­sa­ges cor­re­spon­dai­ent par­fai­te­ment aux situa­tions dra­ma­ti­ques. »[29]

Sau­tet fil­me com­me com­po­ser. Pre­nons not­re exemp­le : Dans la scè­ne il y a 25 plans, nous enten­dons le dia­lo­gues jus­te dans 13 plans. Dans huit carac­tères, seu­le­ment cinq comédien(ne)s (Sté­pha­ne, Camil­le, Maxi­me, Régine et Chris­to­phe) par­lent. Les dia­lo­gues ne sont pas longs.

Camil­le répè­te trois fois l’ouverture de la sona­te, elle peut pour­suiv­re le qua­triè­me essai jusqu’à la sor­tie de Sté­pha­ne, c’est-à-dire la fin de la scè­ne. Dans ses deux pre­miers échecs, elle reprend immé­dia­te­ment. Après le troi­siè­me, elle boit un ver­re d’eau. On entend tou­tes ces voix. Pour­quoi Sté­pha­ne sort ? Est-ce qu’il a des cho­ses à fai­re ? On ne sait pas. Pro­ba­blem­ent, il sort pour lais­ser Camil­le jouer. Dans cet­te hypo­thè­se, on accep­te que Sté­pha­ne ait remar­qué l « inté­rêt » de Camil­le sur lui. Mais, peut-être, il a vrai­ment des cho­ses à fai­re. Pen­dant le film, nous n’app­re­nons jamais com­plè­te­ment les cho­ses dans la tête de Sté­pha­ne : Il ne par­le pas beau­coup, il se défend en dis­ant très peu de mots.

« Si le lan­ga­ge n’était pas dans ce film remar­qua­blem­ent effi­cace, on pour­rait dire de Sté­pha­ne en effet ne par­le pas mais se défend. »[30]

La musi­que rem­place l’absence des paro­les ou la pré­sence de non-dits.

« C’est que la paro­le ici n’intervient jamais inno­cem­ment : soit qu’elle se soit arr­a­chée au silence, soit qu’elle ravis­se un temps requis par la musi­que. Par­ler (par­ler vrai­ment – oui, le lan­ga­ge du cœur, com­me le sou­hai­tait Mus­set) est aus­si dif­fi­ci­le et malai­sé que l’exécution des capri­cieu­ses et aus­tères piè­ces de Ravel. »[31]

Un Cœur en Hiver a beau­coup des inspi­ra­ti­ons Berg­ma­ni­ens. Par exemp­le dans la séquence de la mort de Lach­au­me après une cri­se au matin, inha­bi­tu­el­le­ment Sté­pha­ne ouvre les volets de la mai­son de la cam­pa­gne. L’utilisation du silence, autre­ment dit, les non-dits et les regards croi­sés sont aus­si Berg­ma­nes­ques. Dans ce cad­re, je peux dire que la scè­ne de la répé­ti­ti­on que j’analyse ici, c’est l’un des scè­nes le plus Berg­ma­nes­que du film. Il y a trois thè­mes Berg­ma­nes­que dans cet­te scè­ne : Camil­le s’humilie à cau­se de ses échecs. Sauf quel­ques mots, ni Sté­pha­ne, ni Maxi­me ne par­lent pas. (Ou n’osent pas par­ler plus) Le silence est omni­pré­sent pen­dant la musi­que et même ent­re les repri­ses. Ici je n’emploi pas le silence ordi­naire d’une répé­ti­ti­on : Ce silence est dans le sens Berg­ma­ni­en. On par­le silen­cieu­se­ment. Troi­siè­me­ment : Les yeux de Sté­pha­ne sont com­me les yeux d’un voy­eu­ris­te. Com­me dans La vie des mari­on­net­tes (1980) et dans beau­coup des films de Berg­man, il y a un voy­eu­ris­me. Mais, com­me dans le sens du ter­me, les voy­eu­ris­tes chez Berg­man sont cachées. Ici, dans cet­te scè­ne, Sté­pha­ne n’est pas caché der­riè­re un mur, etc. Mais il se cache quand même. Il se défend par ses regards « hiver­na­les. » Camil­le regar­de lui pour trou­ver quel­que cho­se dans ses yeux. Le spec­ta­teur ne com­prend pas beau­coup de cho­ses de tout ça. Mais il y a la musi­que qui domi­ne la scè­ne. Elle décrit les pos­si­bles sens de ces regards. La répé­ti­ti­on con­ti­nue, Sté­pha­ne sort, la scè­ne finie. Le spec­ta­teur con­ti­nue d’y pen­ser, d’y écouter.

Un aut­re aspect. Cet­te fois phi­lo­so­phi­que : La répé­ti­ti­on est dou­blem­ent phi­lo­so­phi­que : Dans les deux cotés de la phi­lo­so­phie (Idé­a­lis­me et maté­ria­lis­me) il y a l’idée de répé­ti­ti­on, la récur­rence. Par exemp­le, chez Hegel et chez Marx, on revi­ent au point de départ. Ou bien, chez Nietz­sche, en par­tant d « inver­si­on des tou­tes les valeurs », la récur­rence éter­nel­le est essentielle.

Dans la scè­ne, Camil­le reprend le com­mence­ment de pre­miè­re par­tie de la sona­te. Chaque fois, elle reprend pour arri­ver au par­fait. Elle com­mence avec son vio­lon et après sa col­lè­gue, Chris­to­phe com­mence avec son vio­lon­cel­le, les sons se croi­sent, mais Camil­le s’interrompe. Si nous allons cher­cher une rela­ti­on ent­re les instru­ments et les carac­tères, c’est évi­dent que le vio­lon repré­sen­te Camil­le. Mais le vio­lon­cel­le repré­sen­te qui ? Sté­pha­ne ? Maxi­me ? L’incertitude du film ne nous laisse pas à fai­re des impro­vi­sa­ti­ons qua­si­ment ridi­cu­les sur la repré­sen­ta­ti­on de la musi­que de Ravel pour les carac­tères. Dans le cad­re de ce tra­vail aca­dé­mi­que, je ne pour­suiv­rai pas cet­te recher­che spectaculaire.

En véri­té, dans Un Cœur en Hiver la musi­que ne repré­sen­te rien. Elle décrit seu­le­ment. Elle dési­gne le cad­re de nar­ra­ti­on et don­ne le cli­mat du film. Donc, nar­ra­ti­ve­ment, la musi­que de Ravel n’est pas dans le cad­ra­ge, tan­dis que dans les films d’amour, la scè­ne de pre­mier res­sen­ti­ment, tom­ber amou­reux sont sou­vent « sup­port­és » ou déco­rés par une musi­que de fos­se roman­tique. Pour­tant dans Un Cœur en Hiver on n’entend jamais la musi­que de fos­se. Sau­tet uti­li­se tou­jours musi­que d’écran.

« Lyon-Libé­ra­ti­on : La plu­part des pla­ges musi­cal­es ont d’ailleurs leur source sono­re à l’écran, avec les répé­ti­ti­ons de Camille.

C.S. Jus­tem­ent pour évi­ter cet effet d’enrobement de la musi­que-acces­soire. Quand on voit, on n’entend pas ou mal. Je vou­lais abso­lu­ment que le spec­ta­teur com­pren­ne la musi­que de Ravel. Le seul moy­en de la rend­re pré­sen­te, c’était de la mon­trer en train de se fai­re. »[32]

«Je ne vou­lais pas d’airs mélo­dieux, je vou­lais une musi­que assez dif­fi­ci­le, que le spec­ta­teur com­pren­ne que c’est du tra­vail. »[33]

« Je vou­lais une musi­que de chambre qui ne soit pas ni roman­tique, ni con­tem­po­rai­ne. Pour bien mon­trer le sérieux et la dif­fi­cul­té du tra­vail de Camil­le. »[34]

« (…)Pour enre­gis­trer son pre­mier dis­que, elle ne choi­sit pas un morceau mélo­di­que, mais une sona­te peu con­nue de Ravel ou la com­ple­xi­té tech­ni­que prend le pas sur l’émotion. »[35]

« La musi­que dans ce qu’elle a d’artisanal, de labo­rieux, de manu­el ; la musi­que qui inter­vi­ent tou­jours en situa­ti­on et pas en illus­tra­ti­on. La musi­que récur­ren­te, mais pas enva­his­san­te, et même – s’agissant d’une instru­men­ta­lis­te et de deux luthiers – d’une dis­cré­ti­on exem­plai­re. Sim­ple­ment les trio de Ravel sont là, ils habi­tent le film et l’éclairent de leur abrup­te lim­pi­di­té. »[36]

Tech­ni­quement Emma­nu­el­le Béart est dou­blée par l’enregistrement de Jean-Jac­ques Kan­to­row. Pour les ges­tes, Béart a eu un an des leçons de vio­lon. A pro­pos de ça Sau­tet dit : « Elle joue rigou­reu­se­ment syn­chro­ne ce qu’on entend en play-back. Elle arri­vait à jouer par cœur tous les extraits de Ravel que j’avais choi­sis. Ce n’était pas très audi­ble, puisqu’il faut au moins sept ans de pra­tique pour avoir un son cor­rect. Elle deman­dait donc qu’on lui ren­voie le play-back au maxi­mum pour ne pas s’entendre. Le plus éton­nant, c’est que les deux musi­ci­ens pro­fes­si­on­nels qui l’accompagnaient n’en ont pas moins cru, aux rus­hes, que c’était elle qui jouait ! »[37]

En der­nier lieu, en par­tant d’une cita­ti­on que j’ai déjà cité com­me l’épigraphe, j’essayerai de mon­trer l’indépendance du film et de la scè­ne de la répé­ti­ti­on des idées fon­da­tri­ces de Jac­ques Fie­schi et de Clau­de Sautet.

(…) L’ordre des pas­sa­ges ou on entend Camil­le jouer cor­re­spond à une suc­ces­si­on d’états. Au début, il y a le duo pour vio­lon et vio­lon­cel­le qui est une piè­ce ing­ra­te, expri­mant son malai­se en face de Sté­pha­ne. Après le trio qui est une piè­ce plus émou­van­te, le Blues, avec un final à l’Espagnole. Et pour finir, le Per­pe­tu­um mobi­le, avec cet­te sor­te de sprint que Camil­le doit tenir jusqu’au bout, une ten­si­on, une mon­tée pro­gres­si­ve jusqu’au point de rup­tu­re. D’une piè­ce à l’autre, c’est le carac­tère du per­son­na­ge qui s’affirme. Son déve­lo­p­pe­ment pro­fes­si­on­nel en même temps que sen­ti­men­tal… Avec la musi­que de Ravel, nous avons dû fai­re des con­tra­dic­tions, sans le tra­hir, cou­per des mesu­res, tout un tra­vail invi­si­ble et très dif­fi­ci­le que nous avons accom­pli avec Phil­ip­pe Sarde.[38]

« Au début, Camil­le joue avec une tech­ni­que irréprochable mais sans âme. La distance de Sté­pha­ne la bles­se, lui révè­le une fêlu­re qu’elle igno­rait. Et sa der­niè­re séan­ce d’enregistrement est une triom­phe. »[39]

Dans ces cita­ti­ons Sau­tet expli­que clai­re­ment l’idée dans sa tête en tour­nant son film. Pour lui, chaque enre­gis­tre­ment de Ravel cor­re­spon­dait avec une pha­se émo­ti­on­nel­le de Camil­le. Est-ce que ça enco­re valable pour le film ?

«M.B. Dans la der­niè­re scè­ne, Camil­le et Sté­pha­ne éch­an­gent très peu de mots…

C.S. Elle était initia­le­ment plus dia­lo­guée. Mais j’ai sup­p­ri­mé petit à petit la plu­part des répli­ques. Il n’y avait pres­que plus beso­in de rien. Et com­me nous l’avons tour­née à la fin, je n’avais pra­ti­quement pas beso­in de diri­ger Emma­nu­el­le et Dani­el… Je vou­lais fai­re un film éco­no­me ou tout soit expri­mé de façon mini­ma­le, tant je sais que les dia­lo­gues ne tra­dui­sent qu’une par­tie de la véri­té des êtres. Sté­pha­ne au fond, on ne sait pas quand il par­le s’il joue, se cache ou se pro­tège. »[40]

En véri­té, Un Cœur en Hiver est un cer­tain type d’histoire incer­taine. Pen­dant la maî­tres­se de l’œuvre, avec le décou­pa­ge et l’acte des comé­di­ens (Béart et Auteuil vivai­ent ensem­ble à cet­te épo­que.), l’idée fon­da­tri­ce du film se trans­for­me : A la fin du film, quand Sau­tet n’avait pas beso­in de diri­ger Béart ou Auteuil, le récit avait déjà trou­vé un aut­re che­min à tra­ver­ser. C’est-à-dire, le moy­en de Sau­tet pour fil­mer (com­po­ser une musi­que de chambre) lais­sait diver­ses lec­tures de récit. Après voir vu le film une dizai­ne de fois et avoir lu pres­que tout sur le film, je ne pen­se pas du tout que « Sté­pha­ne vient entendre Camil­le à la répé­ti­ti­on et qu’il la fixe inten­sé­ment pour la désta­bi­li­ser, il y par­vi­ent et en est fier”. Quand on fait un film com­me une musi­que de chambre c’est évi­dent qu’il y aura des com­men­tai­res, des per­cep­ti­ons dif­fér­ents de sur le papier. Sté­pha­ne était là, par­ce qu’il doit être là, pour écou­ter le son de vio­lon de sa cli­ente, rien d’autre. Il regar­dait Camil­le com­me une cli­ente. Camil­le cher­chait dése­spé­ré­ment un sens dans les yeux de Sté­pha­ne. Pour­tant pos­si­blem­ent Sté­pha­ne se murm­u­rait « Je ne vous aime pas : cela ne vous regar­de pas. »

Un cœur en Hiver est une his­toire simple.

 

5. La Bibliographie

http://www.ein-herz-im-winter.de/

Acque­rel­lo, Music of a Fro­zen Heart: Love and Dis­harm­o­ny in Un Coeur en hiver,

http://www.sensesofcinema.com/contents/00/10/coeur.html

Cathe­ri­ne French Baso­al­to-Cach­art, ‘Bey­ond Words and Silence: Ravel’s Music in

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Samu­el, Dou­hai­re, “La gran­de musi­que des coeurs en mou­ve­ment pepé­tuel” Ent­re­ti­en avec Clau­de Sau­tet, Lyon- Libé­ra­ti­on, 3 sep­tembre 1992

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Ency­clo­pe­die Hachet­te Uni­ver­sa­lis sur encyclo.voila.fr , 2000

 

5.1. La Discographie

Un Cœur en Hiver, Ban­de Ori­gi­na­le du film, Era­to Dis­ques S.A., 1973, Paris

Le ciné­ma de Clau­de Sau­tet musi­ques de Phil­ip­pe Sar­de, Uni­ver­sal Music Jazz France, 2000

 

5.2. La Filmographie

Un Cœur en Hiver, Caset­te VHS, Paris, 1993

 

[1] Clau­de Sau­tet dans, Michel Bou­jut, Con­ser­va­tions avec Clau­de Sau­tet, Actes sud / Insti­tut Lumiè­re, Arles, 1995

[2] Clau­de Sau­tet dans Michel Bou­jut, ibid.

[3] Clau­de Sau­tet dans, Michel Bou­jut, ibid.

[4] Ren­cont­re avec le réa­li­sa­teur, Le Mon­de, 3 sep­tembre 1992 pg.23

[5] Gabri­el Landry, “Le Luthi­er, la musi­ci­en­ne et son vio­lon” in 24 Images, no:62, décembre 1992- jan­vier 1993, p. 66

[6] Clau­de Sau­tet dans, Michel Bou­jut, ibid.

[7] Le Prin­ci­pe de l’incertitude, Le film de Manu­el d’Oliviera (2002)

[8] Clau­de Sau­tet dans, Michel Bou­jut, ibid.

[9] Gérard Lang­lois, Clau­de Sau­tet Les cho­ses de sa vie, NM7 Edi­ti­ons, Paris, février 2002

[10] Gérard Lang­lois, ibid.

[11] « Un Cœur en Hiver » (Liv­ret de CD du film) Era­to Dis­ques S.A., 1973, 1974 Paris

[12] « Un Cœur en Hiver », Cata­lo­gue du film, Paris, 1992

[13] Michel Bou­jut, Con­ver­sa­ti­ons avec Clau­de Sau­tet, Actes sud/Institue Lumiè­re, Arles, 1994

[14] Jean-Fran­çois Jos­se­lin, Le Nou­vel Obser­va­teur, 3–9 sep­tembre 1992

[15] L’Avant-Scène Ciné­ma, Numé­ro: 453 Juin 1996, Paris

[16] Ency­clo­pé­die Hachet­te sur cyclo:voila.fr0

[17] Roland Decan­dé, Dic­tion­n­aire de la musi­que, Edi­ti­ons du Seuil, Paris, 1970, p.226

[18] Roland Decan­dé, ibid. pg. 256

[19] Roland Decan­dé, ibid. pg. 261

[20] Extraits de Mau­rice Ravel Ency­clo­pé­die Hachet­te Uni­ver­sa­lis sur encyclo.voila.fr

[21] Geor­ges Léon, Mau­rice Ravel L’Homme et son oeu­vre, Edi­ti­ons Seg­hers, Paris, 1964 pg. 142–143

[22] Gérard Lang­lois, in Posi­tif, no: 379, sep­tembre 1992

[23] Pierre Petit, Ravel, Hachet­te, Paris, 1970 pg: 63- 64

[24] Mau­rice Ravel dans Pierre Petit, Ravel, Hachet­te, Paris, 1970

[25] Télé­ra­ma, no: 2196, 12 février 1992 pg.28

[26] Télé­ra­ma, no: 2225, 2 sep­tembre 1992

[27] Les expé­ri­en­ces auto­bio­gra­phi­ques de Sau­tet est la source de cet­te con­nais­sance : “M.B. Vous disiez au moment de la sor­tie du film, que le com­porte­ment de Sté­pha­ne cor­re­spon­dait à des pha­ses vécues par vous.

C.S. Oui, des pha­ses, cet­te impres­si­on d’insensibilité, l’incapacité à répond­re aux sen­ti­ments qu’on vous por­te. Un malen­ten­du auquel on ne trouve pas d’issue. Je vou­lais dire aus­si que pen­dant très long­temps dans ma vie je n’avais pas vu d’adéquation ent­re le désir sexu­el et le sen­ti­ment amou­reux. Alors que c’était appa­rem­ment un tout chez les femmes… »

[28] Samu­el, Dou­hai­re, “La gran­de musi­que des cœurs en mou­ve­ment pepé­tuel” Ent­re­ti­en avec Clau­de Sau­tet, Lyon- Libé­ra­ti­on, 3 sep­tembre 1992

[29] Ren­cont­re avec le réa­li­sa­teur, ibid.

[30] Gabri­el Landry, “Le Luthi­er la musi­ci­en­ne et son vio­lon” 24 Images, no:64, décembre 1992-Jan­vier 1993

[31] Gabri­el Landry, ibid.

[32] Clau­de Sau­tet dans Samu­el, Dou­hai­re, ibid.

[33] Ren­cont­re avec le réa­li­sa­teur, ibid.

[34] Clau­de Sau­tet, dans Michel Bou­jut, ibid.

[35] Clau­de Sau­tet dans Samu­el, Dou­hai­re, ibid.

[36] Daniè­le Heymannn, Le Mon­de, Le Ciné­ma com­me la musi­que, 3 sep­tembre 1992

[37] Clau­de Sau­tet dans, Michel Bou­jut, ibid.

[38] Clau­de Sau­tet dans Michel Bou­jut ibid.

[39] Clau­de Sau­tet dans Samu­el, Dou­hai­re, ibid.

[40] Clau­de Sau­tet dans Michel Bou­jut ibid.